11 tirages jet d’encre sur papier Fine Art Hahnemühle (Rag bright white - mat), 120 x 80 cm, contrecollé sur Dibond 3 mm, avec barres d’accroche
La péninsule de Varanger est située dans le Finnmark, en Norvège, à 200 km au nord du cercle polaire arctique, entre le Cap Nord et la frontière russe.
Ayant traversé à pied ce plateau une première fois durant l’été 2007, j’avais été fasciné par sa vacuité toute minérale, notamment autour de 600 mètres d’altitude. Mais les conditions climatiques ne m’avaient alors pas permis de la photographier à loisir.
J’y revins donc en 2017. J’installai ma tente près du cours d'eau le plus proche, à une dizaine de kilomètres du site convoité. Au troisième jour, le ciel couvert m'apportait la lumière grise que je désirais. Je partis retrouver la zone de crête que j'avais commencé d'explorer dix ans plus tôt. En parcourant celle-ci sur toute sa longueur, je découvris une succession de blocs affleurants, très érodés, stériles, qui dominaient de leur antiquité toutes les étendues désertiques environnantes. Pendant quelques heures, je fixai ces points de vue par la photographie. Puis, le ciel paraissant de nouveau instable, je rejoignis ma tente, sans que les conditions de revenir là-haut ne soient plus réunies ensuite.
Le plateau de Varanger est une paléosurface, terme de géomorphologie désignant une surface dont les processus de modelage par érosion remontent à des périodes extrêmement anciennes. Par ailleurs, la zone photographiée est constituée de quartzite, une roche très dure qui a résisté davantage encore à l'érosion que le reste de la péninsule, d’où son émergence aujourd'hui. Ainsi peut-on dire que ces monolithes stériles qui affleurent en surface sont les témoins archaïques de périodes extrêmement reculées.
À la différence d'autres sites analogues, cette antiquité exceptionnelle est ici parfaitement nue : ni végétation (hormis des lichens croissant à la vitesse de 0,5 mm par an), ni terre, ni sable qui les recouvre. Elle est là, massive et brute, fondamentale, dans son impeccable minéralité, visible depuis un temps immémorial. C'est cette permanence, à l'écart des hommes, exposée nue au milieu d'espaces immenses, qu’il m'a semblé intéressant de photographier.
S’il existe en nous une tentation de la vacuité, elle s’expérimente un peu là. De quoi ces paysages sont-ils l’image, si ce n’est d’une absence ? Sur cette table rase, aucun divertissement. Ce face à Rien, qui plairait à Pascal, trouble nos esprits nourris d’illusions passagères. Quand le rien s’étale à perte de vue, comment croire?
Perdus dans l’espace du doute, nous marchons encore pourtant...